Selon les experts, le marché mondial des villes intelligentes devrait connaître un taux de croissance annuel moyen de 19% entre 2022 et 2028 et atteindre 3110 milliards de dollars. Dans ce marché, quelle est la place du bâtiment intelligent ?
Comment façonnera-t-il les villes du futur ? Et finalement, quels visages offriront les smart cities dans les années à venir ?
Pour clore notre dossier dédié au smart building, un petit exercice de mise en perspective s’impose. Illustrations.
Il n’est pas rare d’entendre parler de smart city depuis une quinzaine d’années. À l’époque, les technologies numériques et l’ère de la data naissante promettaient en effet aux villes de mieux s’adapter aux nouvelles arrivées de populations, et d’améliorer leur gestion de services essentiels comme l’énergie, le transport, le trafic ou encore le logement.
Depuis, les acteurs publics et privés se sont largement mobilisés pour bâtir ces villes intelligentes. Mais le chemin est long puisqu’il demande le plus souvent de faire avec l’existant, même si des projets de villes intelligentes bâties de toutes pièces sont en cours de construction ou déjà sortis de terre, à l’image de Songdo en Corée du Sud.
À cet égard, de nombreux professionnels ont fait le constat qu’une ville réellement intelligente ne pourrait se construire qu’en partant du bas, via une approche dite bottom-up. Aussi fait-on du smart building le premier maillon des chaînes urbaines communicantes de demain.
Du smart building au smart district : quand les bâtiments commenceront à communiquer entre eux
Dans une note intitulée « Smart Building for Smart City : les enjeux de l’adoption du BIM et de l’IoT », publiée fin 2021, cinq chercheurs et universitaires expliquent l’importance de ce principe : « Le bâtiment est en effet à la fois infrastructure et cadre de vie, autonome et intégré dans un écosystème urbain et territorial. Les bâtiments sont responsables de 40 % de la consommation totale d’énergie en Europe et de 24% des émissions de gaz à effet de serre. Leur performance énergétique est un élément déterminant de la qualité de vie et de travail de tous les citoyens. Le télétravail, le maintien à domicile, l’optimisation énergétique, la qualité de l’air, etc. passent par les bâtiments. L’enjeu est donc fort », écrivent-ils. Et « pour être durable et intelligent au niveau des villes, il faudrait l’être au niveau des bâtiments ».
Ainsi, avant de parler de Smart City, la mise en œuvre de smart building et leur intégration dans des smart districts semble nécessaire.
Dans un bâtiment, les objets connectés vont en effet générer une quantité importante de données qui vont permettre d’en avoir une gestion intelligente en termes de chauffage, d’éclairage, de consommation d’eau, de déchets ou encore de maintenance, mais aussi de connaître les horaires de présence et les pics d’usage.
Des enjeux d'interopérabilité avant tout
Puis c’est l’interopérabilité entre les bâtiments qui offrira de nouvelles possibilités à l’échelle des quartiers. Citons par exemple :
- la réduction de la consommation énergétique ;
- l’intégration des énergies renouvelables permettant un bilan énergétique neutre ;
- l’amélioration de la gestion des ordures ménagères ;
- l’optimisation des transports en commun et l’intégration renforcée des modes de déplacement décarbonés…
En communiquant entre eux via des capteurs, les différents bâtiments publics et privés (bureaux, logements, commerces…) vont permettre d’adapter la fréquence et les modalités de ramassage des ordures, de mettre en place un éclairage à la fois sécurisant et moins gourmand en énergie, ou de revoir la fréquence des lignes de bus pour mieux répondre aux besoins. De plus, la gestion du réseau électrique à l’échelle du quartier pourra permettre un échange d’énergie entre bâtiments en fonction des heures de la journée.
Emblématique du projet de renouvellement urbain durable de Lyon, l’îlot Hikari bâti dans le quartier de La Confluence en 2015, est ainsi composé de 3 bâtiments à énergie positive dont la configuration permet de mutualiser les cycles de production et de consommation.
« L’électricité, les déchets, l’eau, tous ces éléments qui sont structurels pour une ville, vont pouvoir être mutualisés et rendus intelligents grâce à leur interconnexion, écrivent encore les auteurs de la note « Smart Building for Smart City ». L’enjeu est donc l’équipement et la connexion du bâtiment avec des IoT d’une part, et l’utilisation et l’appropriation des IoT par les individus d’autre part. Cela implique à la fois une dynamique d’appropriation des technologies par des Smart Citizens, et l’échange et le partage des données collectées entre les acteurs selon un cadre d’interopérabilité. »
Et la smart city, c’est pour quand ?
Bien sûr, dépasser l’échelle du bâtiment et du quartier est nécessaire pour finalement prétendre à la smart city. L’ambition est bien d’étendre l’intelligence, qui repose donc sur la connectivité, l’appropriation et l’interopérabilité, au territoire d’une ville afin d’apporter des services de qualité aux usagers.
Bien qu’encore inachevés, les projets de smart city sont en cours de déploiement dans le monde et en France. Dans l’Hexagone, « près de 200 territoires déploient aujourd’hui des systèmes innovants de pilotage des politiques publiques par la donnée, souligne une récente étude de l’Ifri. Les outils numériques utilisés sont variés. Des capteurs plus ou moins sophistiqués permettent de recueillir des données d’environnement, de faire des mesures et des comptages, d’adapter de façon automatisée des systèmes pour gérer l’énergie, l’eau, la collecte et le traitement des déchets. Ils alimentent des systèmes de régulation des déplacements mais aussi d’incitation à des pratiques multimodales vertueuses. Ils servent à analyser, à comprendre, à modéliser les besoins et les comportements des usagers pour anticiper et optimiser, parfois de façon automatique, l’action du service public ». Résultat, la totalité des dépenses engagées par les collectivités françaises dans des infrastructures dites « intelligentes » entre 2010 et 2020 est estimée à 4,4 milliards d’euros, et il devrait atteindre 1,1 milliard d’euros entre 2020 et 2023 pour les 40 plus grandes villes françaises uniquement. Dans le monde, la même dynamique est à l’œuvre. Selon The Insight Partners, le marché mondial des villes intelligentes devrait ainsi connaître un taux de croissance annuel moyen de 19% entre 2022 et 2028 et atteindre 3110 milliards de dollars.
Dans les métropoles du globe, ces investissements et projets basés sur les technologies numériques et la collecte de données sont prometteurs pour répondre aux multiples défis, actuels et futurs, des villes.
Des déplacements plus fluides
À Amsterdam par exemple, plusieurs systèmes de capteurs surveillent quelque 3 millions de véhicules par jour pour assurer la sécurité routière mais aussi collecter des données permettant aux responsables gouvernementaux de prendre des décisions sur le réacheminement du trafic afin de réduire les embouteillages.
En Corée du Sud, la ville de Séoul a installé 50 000 capteurs sur son territoire pour bâtir un réseau IoT capable de collecter des données liées aux particules fines, à l’éclairage nocturne, aux trafics routier et humain ou encore à l’utilisation des parkings. Elle a ainsi mis en place un service de parking partagé qui permet aux utilisateurs de vérifier la disponibilité de stationnement parmi 500 parkings publics, de réserver la place et de payer le stationnement via leur smartphone.
Des environnements plus sains
Outre l’amélioration de la mobilité, la surveillance de la qualité de l’air constitue aujourd’hui l’une des applications de la smart city les plus en vogue. En effet, la pollution atmosphérique est connue pour ses effets néfastes sur la santé et sur le changement climatique, et représente donc une préoccupation et un défi majeurs pour les collectivités.
La capitale britannique entretient par exemple deux réseaux de qualité de l’air à l’aide de capteurs, l’un opéré par L’Imperial College de Londres et l’autre par un réseau scientifique citoyen financé par la mairie. Des installations qui ont permis de revoir la règlementation et de mettre en place des conditions de circulation très strictes pour les véhicules polluants.
Les projets de smart city s’alignent d’ailleurs de plus en plus sur des solutions permettant de lutter activement contre le réchauffement climatique. Aux côtés d’Helsinki et de Hambourg, Nantes Métropole fait ainsi partie du projet européen mySMARTLife, sélectionné par la Commission Européenne dans le cadre de l’appel à projet « Smart cities and Communities ». Il prévoit ainsi la mise en œuvre de solutions innovantes en matière de gestion intelligente de l’éclairage public, de production et stockage des énergies renouvelables, mais aussi la création d’un observatoire multimodal de la mobilité ou la création d’un data lab sur les données électriques.
Vers des modes de vie smart ?
Finalement, en Europe au moins, le concept de smart city attire les espoirs et les investissements en raison des promesses qu’il fait pour permettre à des millions de personnes de vivre ensemble sur des territoires respirables, accueillants, dynamiques et solidaires. C’est ainsi que, pour la Banque des Territoires, « en définitive la smart city doit être appréhendée comme un processus, une démarche et non pas comme une finalité ».
Parce que les défis technologiques de la smart city sont les mêmes que ceux du smart building, mais à une échelle beaucoup plus vaste, il est important de maîtriser les fondamentaux. C’est pourquoi Synelience continuera de se focaliser sur les enjeux d’infrastructures, de réseaux, de capteurs ou de cybersécurité, depuis le smart building jusqu’à la smart city.
Retrouvez l’ensemble des articles de notre dossier Smart Building.
- Le smart building, une question de regards
- Quelles infrastructures réseaux pour le smart building ?
- Smart building & IoT : des capteurs et des données
- Le smart building au service de l’efficience énergétique
- Data et smart building : quels enjeux de cybersécurité ?
- Smart building : comment se prémunir des risques cyber ?
- Le smart hospital : un smart building exigeant
- Smart building : la première brique d’une évolution urbaine ?